Les dirigeants africains auraient-ils peur des libertés individuelles ?

L’Afrique recherche désespérément la voie du recul de la pauvreté. Quand on sait que ce progrès est lié aux libertés et non à l’aide publique internationale, il est difficile de comprendre que les dirigeants africains s’évertuent à emprunter cette voie de la médiocrité en continuant à tendre la main en lieu et place d’un véritable programme de développement. Et si ces dirigeants avaient tout simplement peur des libertés individuelles qui pourraient ternir leur toute puissance ?

 

 

La liberté économique est source de progrès social, la preuve en est faite depuis des siècles. Pour faire du social il faut commencer par faire de l’économique, et pour faire de l’économique il faut de la liberté. Les évènements qui se déroulent actuellement dans les régions du monde dramatiquement secouées font apparaître que la liberté économique est aussi une condition nécessaire de cohésion sociale. En effet, les peuples qui aujourd’hui se déchirent, qui subissent manifestions, guerres civiles, et terrorisme sont comme par hasard ceux que leurs gouvernements ont privés de liberté économique. Au classement mondial de l’indice de liberté économique, le rang de la Tunisie est 100ème, celui de l’Algérie 132ème, la Côte d’Ivoire 122ème, sur un classement qui concerne 172 pays (la dernière place revenant de droit et de loin à la Corée du Nord). Certes, privés de liberté économique, ces peuples sont également privés de liberté politique. Partout les dictatures sont bien en place, car elles bénéficient de l’indulgence voire du soutien de la diplomatie mondiale et de l’ONU, en l’occurrence peu soucieux des droits de l’homme. Mais les dictatures ont aussi un ennemi, qu’elles s’empressent d’éliminer : le libre marché. Les entrepreneurs sont vite considérés par les gouvernants comme un danger, parce qu’ils prétendent agir sans en référer au pouvoir politique ; ils ont des liens avec l’étranger, parfois l’ancien colonisateur, ils ont une influence sur les gens avec qui ils travaillent. Bref, ils vivent et gagnent leur argent en dehors de l’Etat. Or, celui-ci a besoin du monopole de l’argent pour récompenser ses gardiens et ses clients. La filière de l’argent volé par le régime se retrouve à tous les niveaux : la corruption permet au plus modeste fonctionnaire de prélever son tribut. Ce phénomène hélas, n’est pas seulement visible en Afrique. Sous une forme atténuée, on l’observe également dans plusieurs pays dits « libres », dont la France. Quand le bien-être d’un individu ou d’un groupe dépend essentiellement de l’Etat Providence, de ses emplois, de ses commandes, de ses autorisations, de sa redistribution, les tensions sociales apparaissent et les affrontements se multiplient. Les dirigeants français dépensent beaucoup d’énergie et d’argent pour éviter la « fracture sociale ». Ils s’inquiètent à juste titre des dérives communautaires, de ces jeunes qui refusent de s’intégrer dans la société, de ces réseaux maffieux et criminels. Ils ont raison. Mais ils n’utilisent pas les recettes de nature à éviter l’explosion sociale. Naguère le service militaire était le creuset dans lequel se fondait la nation française. Impôt lourd et inégal sur les jeunes, le service a disparu. Quelles sont donc les autres occasions de brassage social ? L’école sans doute, mais encore faudrait-il d’une part que l’Education Nationale soit à la hauteur de sa mission éducative, d’autre part que les parents eux-mêmes collaborent à cette intégration, alors qu’ils considèrent bien souvent l’école comme une perte de temps, voire un monde d’exclusion. Est-il nécessaire d’étudier si l’on vit des allocations ? C’est dire que le rendez-vous de l’école et de la nation est difficile dans un contexte d’aides sociales substantielles. Alors, l’ultime chance d’intégration réside dans le travail. Hier, pour être Français il fallait aller à l’armée. Aujourd’hui il faudrait aller au travail. Cela suppose qu’il y ait du travail, et l’envie de travailler. Du travail, il y en a dans les pays de liberté économique, car il y a libre entreprise, donc multiplication des produits et des emplois, et libre échange, donc multiplication des choix et des clients. En revanche l’envie de travailler est réduite ou supprimée si l’on peut gagner sa vie sans travailler, ou si le travail nouveau ne rapporte pas de bien-être nouveau. Redistribution massive, salaires minimums, mais aussi privilèges et statuts, incitent les individus à se laisser vivre aux dépens du reste de la nation. Le marché, comme l’avaient découvert Smith et Turgot, pères de la science économique, est au contraire un processus à travers lequel tout le monde se met au service de tout le monde, car on ne peut satisfaire ses intérêts qu’en les combinant avec ceux des autres. Travailler en équipe, nouer des relations quotidiennes, admettre la diversité, croire au progrès commun : voilà ce qu’engendre la liberté économique. Tous ensemble ou tous contre tous : voilà le vrai choix de société. Pour des raisons historiques tenant à la nature même de leur création, beaucoup de pays pauvres ont choisi la lutte pour le pouvoir et les privilèges publics ; ils sont aujourd’hui condamnés au chaos social et ils en paient aujourd’hui le prix démesuré. Mais les pays riches qui remettent leur sort entre les mains de l’Etat ne doivent pas non plus s’étonner de la radicalisation et maintenant de la fanatisation des conflits. Pourquoi ne pas voir la vraie solution ? Etablir ou restaurer la liberté économique, source de mutuelle compréhension, de travail et de savoir partagés, et de cohésion sociale. On peut bâtir ou préserver une nation grâce aux harmonies économiques. Par Jacques Garello, économiste libéral français, professeur à l'Université d'Aix-Marseille III, et professeur émérite à l’Université Paul Cézanne. Il est président et fondateur du groupe des Nouveaux Economistes en 1978, de l'Association pour la liberté économique et le progrès social (ALEPS) en 1982, et de la Génération Libérale en 1998. Article initialement intitulé Liberté économique et cohésion sociale, extrait de la Nouvelle lettre n°1062 - janvier 2011, publié en collaboration avec http://www.libres.org/