
Audace Institut Afrique, think tank ivoirien libéral indépendant a souhaité recueillir la vision d’éminents intellectuels libéraux dans le monde. Il est bien connu que c’est dans le partage des idées que l’on grandit. Comment voient-ils l’avenir de la Côte d’ivoire ? Quelles voies de progrès s’offrent au pays ? De l’extérieur, quels conseils amicaux donnent-ils à la Côte d’ivoire et singulièrement aux nouvelles autorités attachées à la doctrine libérale ?
Réformer la constitution
Jean-Philippe Feldman, Professeur agrégé des facultés de droit, Maître de conférences à SciencesPo, avocat à la cour de Paris, voit la réforme de la constitution ivoirienne comme une incontournable priorité. En effet, les excès possibles d’un pouvoir qui repose sur la tête d’un seul homme doivent être circonscrits et ce pouvoir doit être décentralisé.
Préciser les droits de propriétés
La nécessité de l’essor et de la protection des droits de propriétés ressort de la majorité des contributions. Ce droit de propriété sera le socle du développement du pays affirme Pierre Garello professeur agrégé des universités, professeur d'économie au sein de l'université Aix-Marseille III, directeur de l'Institute for Economic Studies-Europe : « Aucun développement durable n’a jamais eu lieu sans cette responsabilisation des personnes par la propriété. » Pour cela, il faudrait se pencher sur les limites de la loi de 98, relative à la propriété foncière, et également faciliter les délais nécessaires à l’obtention d’un titre foncier. C’est aujourd’hui un véritable parcours du combattant, même pour les demandeurs les plus aguerris au droit. Sans droit de propriété, la liberté est caduque. C’est donc un combat essentiel sur lequel repose l’avenir du pays.
Construire un état de droit
La construction d’un état de droit est également au cœur des recommandations. L’état de droit, pour reprendre les termes de Jean-Yves Naudet est « une situation où le pouvoir appartient à la loi, la même pour tous, et non aux décisions arbitraires des hommes politiques, même légitimement élus. […] L’état de droit, c’est le respect des droits fondamentaux des personnes et d’abord des droits de propriété et des contrats librement signés et c’est la fin de la corruption impunie.».La Côte d’ivoire, devant rompre avec les clivages ethniques et religieux, lutter contre la corruption n’a d’autre choix que d’entrer concrètement dans un tel modèle et c’est d’ailleurs la voie que proposent les nouvelles autorités.
Mettre en place un cadre institutionnel favorable à l’entreprise privée
Cet état de droit devra également rassurer les investisseurs. Il est important qu’une justice indépendante assure le respect des contrats et le droit de propriété des investisseurs. L’économie est dévastée par les derniers mois d’inertie et par des pillages importants. Il faut donc que les entrepreneurs reprennent confiance car c’est leur investissement qui permettra l’embauche des jeunes du pays. Selon Aurélien Véron, président du parti libéral démocrate en France et président de l’association liberté chérie, « Pour raviver le « Capital Mort », c'est-à-dire la capacité d’initiative et la liberté d’entreprendre, il est de la responsabilité de l’Etat, et en particulier du pouvoir judiciaire, de garantir un environnement propice à l’épanouissement des aspirations et des efforts de chacun. Comment peut-on parler de croissance ou de prospérité si les institutions nationales ne permettent pas aux individus de protéger les fruits de leur travail ? » Eric Ng Ping Cheun, lui-même entrepreneur, économiste et directeur de PluriConseil, une firme de services-conseil basé à l’île Maurice, souligne l’importance de créer un cadre institutionnel qui propulse la création d’entreprises privées au sein desquelles les populations ivoiriennes vont pouvoir exploiter tous leurs talents créatifs. Il insiste sur la place de l’homme comme moteur du développement. « Il n’y a de richesse que d’hommes » et son conseil amical : « Libérez les talents ! » devrait raisonner dans le pays qui regorge de compétences.
Limiter la taille de l’Etat
Cette confiance en la ressource humaine conduit à souhaiter une faible intervention de l’état. Pour Jean-François Minardi directeur associé de la liberté économique et du développement à l'Institut Fraser au Canada : « L’État est indispensable à la fois comme forum pour déterminer les «règles du jeu» et comme arbitre pour les interpréter et les mettre en œuvre une fois qu’elles ont été définies. Les États doivent en outre assurer l'ordre public et défendre la société contre toute agression extérieure. Parfois ils peuvent également nous permettre de réaliser ensemble ce que nous trouverions plus difficile ou coûteux de réaliser séparément. Toutefois, […] tout recours à l’État est lourd de dangers et mieux vaut peser le pour et le contre avant de le solliciter. » Aurélien Véron rappelle que : « L’Histoire, en particulier africaine, regorge d’exemple d’échec de politiques interventionnistes et les conséquences en sont généralement coûteuses, aussi bien financièrement que politiquement et humainement » Pourquoi renouveler les erreurs du passé ? Ainsi, après la période de gestion immédiate de la crise postélectorale, il est souhaitable que la Côte d’ivoire envisage une diminution des domaines d’intervention de l’Etat en les recentrant autour de missions de base.
Favoriser le libre-échange
Quant au libre-échange, il ne doit pas faire peur aux Ivoiriens disent ces intellectuels libéraux. La mondialisation, souvent présentée comme un moyen de domination, ne peut, au contraire, qu’être favorable aux pays d’Afrique. Jean-Yves Naudet professeur à l’Université Paul Cézanne (Aix-Marseille III) et directeur du Centre de recherches en éthique économique en France insiste : « L’Afrique ne doit pas craindre le libre commerce ; le craindre, ce serait nier ses propres atouts. Ce n’est pas une question de ressources naturelles, et l’exemple de pays comme la Corée du sud ou la Chine montre que le commerce, comme l’avait dit le Président Clinton, est la meilleure forme d’aide ; les pays émergents sont tous des pays ouverts aux échanges, alors que ceux qui ont cru se protéger en fermant les frontières s’enfoncent dans la misère. » Emmanuel Martin directeur de publication d’Un Monde Libre, abonde dans ce sens, en défendant que le libre-échange est la seule voie d’un développement durable et paisible alors que l’aide publique internationale est une perpétuelle illusion destructrice.
« Nourrir » la démocratie de libertés individuelles et de contre-pouvoirs
Alors que la Côte d’Ivoire vient de souffrir au nom de la sauvegarde de sa démocratie, Gisèle Dutheuil d’Audace Institut Afrique souligne que le combat ne fait que commencer car la démocratie dépasse de loin le bulletin que l’on met dans l’urne. Une démocratie se nourrie de libertés et de contre-pouvoirs que la Côte d’ivoire devra travailler à restaurer pour retrouver la richesse des échanges et la fertilité des débats. Une démocratie sans liberté serait une enveloppe vide qui réduirait l’exercice du pouvoir à de la tyrannie. La contradiction est le rempart des excès. L’opposition doit jouer son rôle, la presse de tous bords doit pouvoir s’exprimer, les intellectuels doivent échanger dans les campus, la vie intellectuelle doit être féconde. La démocratie ivoirienne n’en sera que plus solide ce qui permettra de renforcer les assises de l’état de droit et d’aborder l’avenir avec plus de sérénité.
Toutes ces idées complémentaires réunies pourraient constituer le socle de la vision nécessaire à la reconstruction du pays. Le manque de vision a déjà conduit le pays aux chaos. Penser n’est donc pas une activité superflue comme pourraient le laisser entendre certains. La réflexion doit guider la nation. La politique à vue a laissé le pays exsangue. C’est une réflexion au long court qui forgera la nation et son indépendance. Comme le disait Sénèque « Celui qui ignore vers quel port il se dirige ne trouve jamais de vent favorable » Pour trouver les vents favorables, la Côte d’ivoire devra avoir déterminé sa voie de progrès. Partout dans le monde on constate que les libertés sont liées au progrès et au recul de la pauvreté. La Côte d’ivoire peut-elle vraiment se priver de ces bienfaits ?
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