De l’Électocratie en Afrique !

A l’échelle nationale, l’élection, c’est le moment de faire un choix pour les citoyens en vue de conduire les affaires publiques et pas seulement les affaires politiques. Élire, c’est choisir celle, celui ou ceux chargés de veiller à l’intérêt général. C’est aussi simple que ça ! Et pourtant : Guinée Conakry, Guinée-Bissau, Niger, Côte d’Ivoire, Burkina-Faso, Togo, Burundi… la liste est longue, des États africains où la fièvre électorale révèle un paludisme national.

FRISSONS, FRICTIONS, FICTIONS !

Au nom des élections, des fictions sont débattues, entre sachants comme ignorants, dans tous les médias ; au détriment des enjeux quotidiens : emploi, sécurité, etc. Tout le monde connait les frictions entre des partis politiques, mais pas leurs programmes. Leur jeu favori : le lancer de noms d’oiseaux… À entendre « Élections », le peuple a des frissons ! Et pourtant élire, ce n’est pas subir des délires ou souffrir des sbires, mais choisir !

RELIGION : ÉLECTORALISME ! RÉGIME : ÉLECTOCRATIE !

Soyons honnêtes, on subit les élections : Tensions, contestations, manifestations, crises pré et post électorales. Ça palabre longuement avant les élections (Côte d’Ivoire, Guinée) et longtemps après (Guinée Bissau, Togo). Pourtant, élire c’est choisir ! Simplement. Et le peuple est souverain, lui qui élit. Mais voilà, il ne décide pas du début à la fin. Le peuple est balloté entre le code électoral qui change comme des règles de Poker et la Constitution que presque personne n’a lue du début à la fin. Quant aux contraints qui s’en infligent l’étude, le temps de bien la connaitre… elle a changé ! Et pourtant, le peuple est souverain. Et élire c’est choisir !

S’AFFRANCHIR DE L’ÉLECTOCRATIE !

On a le droit de choisir… Vraiment ? Alors, sortons du joug de l’électocratie ! Les élections sont importantes, mais ce n’est pas le plus important… En Guinée, au Niger, au Burundi, il y a des sujets aussi importants, sinon plus importants ! Non, tout ne dépend pas des élections ! Tout ne passe pas par les élections… le soutenir, c’est souscrire à l’électocratie : la dictature des élections ! C’est le peuple qui décide… qui doit décider, choisir librement. Il y a un remède à l’électocratie : l’AUDACE !

AUDACE 1 : UN CODE ÉLECTORAL INTOUCHABLE

Sauf tremblement de ciel, assèchement des mers… Il faut rendre quasi-impossible la modification du code électoral ; définir les règles électorales une fois pour toutes et passer à autre chose ! Tant de pays pauvres, qui dépensent tant d’énergies, de temps et d’argent pour des élections, c’est tout sauf sérieux !

Et puis, élire, c’est choisir… Bon sang !

Imaginons un instant, un code posant les règles et conditions de choix du conjoint, que chaque candidat au mariage doit respecter. Imaginons… ce code est élaboré non pas par des proches, mais par des gens qu’on ne connait ni d’Adam ni d’Eve, qu’on a seulement vu à la télé. Et ce code a des clauses qui nous imposent des critères de beauté pour choisir notre conjoint, sa condition sociale, son âge… Pis ! Imagions encore un peu : à quelques semaines de notre mariage, on nous informe que les règles changent ! C’est inacceptable n’est-ce pas ? Pourtant on y est… puisque les règles de nos élections sont de saison.

AUDACE 2 : UN CALENDRIER DÉFINITIF 

Le calendrier électoral devrait être fixe et permanent, aux dispositions ciselées, aux dates ficelées dans la Constitution ! Les États-uniens ne sont pas morts en suivant leur rituel électoral depuis des décennies : le mardi après le premier lundi de novembre, le lundi qui suit le deuxième mercredi de décembre, etc. Voici les choses imitables !

AUDACE 3 : UN COMITÉ ÉLECTORAL TECHNIQUE, APOLITIQUE ET AUTONOME

C’est possible ! Un organe qui rend compte au peuple ! Avec des membres sélectionnés par appel à candidature ; avec l’obligation de rendre compte périodiquement avant, pendant et après le processus électoral. Une institution compétente, inamovible, financièrement autonome, qui rend compte au peuple souverain. Les élections crédibles, fiables, libres, justes, transparentes, inclusives... ont leurs conditions.

AUDACE 4 : AUCUNE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE D’INITIATIVE PRÉSIDENTIELLE

C’est le corollaire du code électoral intouchable. Mais il faut peut-être y insister ! Objectivement, il ne s’agit même pas d’audace, mais d’apprendre de l’histoire. Montesquieu l’a dit, on le savait avant lui : « C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites ». Comment un président peut-il « être soumis » à un texte qu’il peut changer quand il veut ?! Un employé peut-il changer les règles de son entreprise, quand il veut, à sa seule initiative ? Quel danseur peut modifier la musique pendant qu’il danse ? Pas changer de musique, mais la modifier… Et quel est l’élève qui peut changer les règles de l’examen quand ça lui chante ?

AUDACE 5 : CONTENIR L’ÉLECTOCRATIE !

Les remèdes ne manquent pas, face à la fièvre électorale ; ce qui manque c’est l’audace de les injecter ! Certains vont parader dans nos campagnes hors des périodes de campagnes électorales… il faut l’interdire noir sur blanc ! Refuser qu’on aille inaugurer quoique ce soit… à 9 mois des élections. Qu’aucune administration ne soit à l’arrêt à 6, 8, 10 mois des élections… parce que, tout n’est pas élection ! Non ! Il y a des questions aussi importantes, plus importantes et bien distinctes ! Ainsi, chaque citoyen a droit à une pièce d’identité, avec ou sans élections ! Mais alors, pourquoi c’est seulement en période électorale qu’il y a la frénésie de l’identification ? Là où chaque jeune fille ou jeune homme de 17 ans et demi devrait pouvoir demander une pièce d’identité et l’avoir pour son anniversaire ! Penser à eux juste pour un fichier électoral… c’est de l’électocratie !

ÉLIR, C’EST CHOISIR !

Que ce soit au sens philosophique, au sens théologique (electio Divina), au sens juridique (élection de domicile) ou romantique (l’élu-e de son cœur) ; il y a toujours la volonté, la liberté de choix dans l’élection. En principe, « des élections libres » : c’est un pléonasme ! L’élection est libre ou n’est pas.

Désiré N’Dri, analyste pour Audace Institut Afrique.