De l’Électocratie en Afrique !

A l’échelle nationale, l’élection, c’est le moment de faire un choix pour les citoyens en vue de conduire les affaires publiques et pas seulement les affaires politiques. Élire, c’est choisir celle, celui ou ceux chargés de veiller à l’intérêt général. C’est aussi simple que ça ! Et pourtant : Guinée Conakry, Guinée-Bissau, Niger, Côte d’Ivoire, Burkina-Faso, Togo, Burundi… la liste est longue, des États africains où la fièvre électorale révèle un paludisme national.

FRISSONS, FRICTIONS, FICTIONS !

Au nom des élections, des fictions sont débattues, entre sachants comme ignorants, dans tous les médias ; au détriment des enjeux quotidiens : emploi, sécurité, etc. Tout le monde connait les frictions entre des partis politiques, mais pas leurs programmes. Leur jeu favori : le lancer de noms d’oiseaux… À entendre « Élections », le peuple a des frissons ! Et pourtant élire, ce n’est pas subir des délires ou souffrir des sbires, mais choisir !

RELIGION : ÉLECTORALISME ! RÉGIME : ÉLECTOCRATIE !

Soyons honnêtes, on subit les élections : Tensions, contestations, manifestations, crises pré et post électorales. Ça palabre longuement avant les élections (Côte d’Ivoire, Guinée) et longtemps après (Guinée Bissau, Togo). Pourtant, élire c’est choisir ! Simplement. Et le peuple est souverain, lui qui élit. Mais voilà, il ne décide pas du début à la fin. Le peuple est balloté entre le code électoral qui change comme des règles de Poker et la Constitution que presque personne n’a lue du début à la fin. Quant aux contraints qui s’en infligent l’étude, le temps de bien la connaitre… elle a changé ! Et pourtant, le peuple est souverain. Et élire c’est choisir !

S’AFFRANCHIR DE L’ÉLECTOCRATIE !

On a le droit de choisir… Vraiment ? Alors, sortons du joug de l’électocratie ! Les élections sont importantes, mais ce n’est pas le plus important… En Guinée, au Niger, au Burundi, il y a des sujets aussi importants, sinon plus importants ! Non, tout ne dépend pas des élections ! Tout ne passe pas par les élections… le soutenir, c’est souscrire à l’électocratie : la dictature des élections ! C’est le peuple qui décide… qui doit décider, choisir librement. Il y a un remède à l’électocratie : l’AUDACE !

AUDACE 1 : UN CODE ÉLECTORAL INTOUCHABLE

Sauf tremblement de ciel, assèchement des mers… Il faut rendre quasi-impossible la modification du code électoral ; définir les règles électorales une fois pour toutes et passer à autre chose ! Tant de pays pauvres, qui dépensent tant d’énergies, de temps et d’argent pour des élections, c’est tout sauf sérieux !

Et puis, élire, c’est choisir… Bon sang !

Imaginons un instant, un code posant les règles et conditions de choix du conjoint, que chaque candidat au mariage doit respecter. Imaginons… ce code est élaboré non pas par des proches, mais par des gens qu’on ne connait ni d’Adam ni d’Eve, qu’on a seulement vu à la télé. Et ce code a des clauses qui nous imposent des critères de beauté pour choisir notre conjoint, sa condition sociale, son âge… Pis ! Imagions encore un peu : à quelques semaines de notre mariage, on nous informe que les règles changent ! C’est inacceptable n’est-ce pas ? Pourtant on y est… puisque les règles de nos élections sont de saison.

AUDACE 2 : UN CALENDRIER DÉFINITIF 

Le calendrier électoral devrait être fixe et permanent, aux dispositions ciselées, aux dates ficelées dans la Constitution ! Les États-uniens ne sont pas morts en suivant leur rituel électoral depuis des décennies : le mardi après le premier lundi de novembre, le lundi qui suit le deuxième mercredi de décembre, etc. Voici les choses imitables !

AUDACE 3 : UN COMITÉ ÉLECTORAL TECHNIQUE, APOLITIQUE ET AUTONOME

C’est possible ! Un organe qui rend compte au peuple ! Avec des membres sélectionnés par appel à candidature ; avec l’obligation de rendre compte périodiquement avant, pendant et après le processus électoral. Une institution compétente, inamovible, financièrement autonome, qui rend compte au peuple souverain. Les élections crédibles, fiables, libres, justes, transparentes, inclusives... ont leurs conditions.

AUDACE 4 : AUCUNE MODIFICATION CONSTITUTIONNELLE D’INITIATIVE PRÉSIDENTIELLE

C’est le corollaire du code électoral intouchable. Mais il faut peut-être y insister ! Objectivement, il ne s’agit même pas d’audace, mais d’apprendre de l’histoire. Montesquieu l’a dit, on le savait avant lui : « C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites ». Comment un président peut-il « être soumis » à un texte qu’il peut changer quand il veut ?! Un employé peut-il changer les règles de son entreprise, quand il veut, à sa seule initiative ? Quel danseur peut modifier la musique pendant qu’il danse ? Pas changer de musique, mais la modifier… Et quel est l’élève qui peut changer les règles de l’examen quand ça lui chante ?

AUDACE 5 : CONTENIR L’ÉLECTOCRATIE !

Les remèdes ne manquent pas, face à la fièvre électorale ; ce qui manque c’est l’audace de les injecter ! Certains vont parader dans nos campagnes hors des périodes de campagnes électorales… il faut l’interdire noir sur blanc ! Refuser qu’on aille inaugurer quoique ce soit… à 9 mois des élections. Qu’aucune administration ne soit à l’arrêt à 6, 8, 10 mois des élections… parce que, tout n’est pas élection ! Non ! Il y a des questions aussi importantes, plus importantes et bien distinctes ! Ainsi, chaque citoyen a droit à une pièce d’identité, avec ou sans élections ! Mais alors, pourquoi c’est seulement en période électorale qu’il y a la frénésie de l’identification ? Là où chaque jeune fille ou jeune homme de 17 ans et demi devrait pouvoir demander une pièce d’identité et l’avoir pour son anniversaire ! Penser à eux juste pour un fichier électoral… c’est de l’électocratie !

ÉLIR, C’EST CHOISIR !

Que ce soit au sens philosophique, au sens théologique (electio Divina), au sens juridique (élection de domicile) ou romantique (l’élu-e de son cœur) ; il y a toujours la volonté, la liberté de choix dans l’élection. En principe, « des élections libres » : c’est un pléonasme ! L’élection est libre ou n’est pas.

Désiré N’Dri, analyste pour Audace Institut Afrique.

Le drapeau : un miroir de l’État

usa lune 500 334Buzz Adrin, le deuxième astronaute américain à avoir marché sur la lune, était très fier d’y avoir planté le drapeau de son pays, il y a 50 ans ! À sa récente apparition publique, sa cravate était un drapeau américain ! Même ses chaussettes étaient étoilées. À Kidal, au Mali, il y a quelques jours, on brûlait un drapeau.

1 - « Nous condamnons fermement… »

L’Onu a condamné ! Mais la routine condamnatoire est illusoire. Illusion d’une mission accomplie : la condamnation n’est pas une action. Elle est peut-être nécessaire, mais largement insuffisante ! L’État malien à Kidal : là est la question que le drapeau brûlé ne saurait voiler. Bourdieu écrivait que « L’État est une entité théologique, c’est-à-dire une entité qui existe par la croyance ». À Kidal, visiblement, il y a une question de foi… Un objet n’est profané que s’il est sacré.

2 - L’adhésion au drapeau !

Le 23 février 1945, un drapeau planté par des soldats américains, sur l’île japonaise d’Iwo Jima, avait suscité tant d’émotions ; bien avant que la bannière étoilée ne flotte sur la lune. Le drapeau est le témoin d’une mémoire collective. Mais s’il a une puissante charge symbolique, c’est après tout un « morceau de tissu ». Le symbole doit porter sa valeur. Le drapeau est légitimé par une réalité connue ou vécue. À Kidal, on peut hisser un drapeau, comme à Iwo Jima ou sur la lune… mais sur quel mât ?

3 - Symbole collectif, référence personnelle

Le drapeau n’est rendu beau que par le regard du citoyen, par le mât de l’histoire commune ! Regardez un drapeau que vous n’avez jamais vu… il ne vous dit rien ! Or, autant la lune est le satellite naturel de la terre, autant Bamako aurait dû être le satellite naturel de Kidal.

Ce n’est pas un texte qui fait aimer un drapeau, ni un décret, ni une Constitution, ni même l’obligation faite aux bambins affamés et mal chaussés, de se tenir à ses pieds le lundi… Les couleurs nationales ? Des mots vides de sens en eux-mêmes : seuls les citoyens les remplissent.

4 - Ce qui fait aimer le drapeau ?

Laissons les théories. À Gaborone ou à Genève, qui pense à brûler le drapeau ?! En comptant les comptes bancaires ou les diamants… Au Botswana comme en Suisse, le citoyen mange à sa faim ! Le drapeau, c’est une projection de la nation, un reflet de l’État ! On ne le renie pas comme on renie un gouvernement. Aux États-Unis, de Roosevelt à Nixon, le drapeau a été hissé au cœur du Pacifique et sur la Lune ! Au Mali, pendant que la NASA préparait la mission Apollo 11, en 1969, Moussa Traoré s’apprêtait à renverser Modibo Kéita.

5 - L’État n’est pas le gouvernement !

Le Mali, les Etats-Unis :deux prototypes de la confusion aberrante, mais si fréquente, entre l’État et le Gouvernement !

L’État transcende les personnes qui l’incarnent. Un médecin qui soigne au nom de l’État, accomplit une mission d’État, au même titre qu’un policier qui contrôle la circulation ou un ministre… l’État les dépasse tous ! La fonction n’est pas la personne. La distinction est essentielle.

La constante, c’est l’État ! La variable, c’est le gouvernement et tous ceux qui exercent une fonction publique. Si cette distinction mytho-logique n’est pas partagée et acceptée, l’État ne peut exister.

6 - Ce drapeau qui cache la forêt du désert étatique malien !

Quand le drapeau flotte, si on y voit le gouvernement… il y a un problème !Mais au Mali, il faut avancer, dit-on, et pour cela on enjambe hâtivement l’histoire ! Il suffirait de respecter les accords de paix, de rétablir l’autorité de l’État au centre et au nord Mali. On suppose donc qu’une telle autorité aurait existé. Faux départ ! On ne peut ainsi arriver nulle part.

La force de l’ONU au Mali (MINUSMA) est-elle venue pour observer et se défendre ? La communauté internationale finance comme au casino : par chance ou hasard. À l’Onu ? On sanctionne ! Puis, on recorrige la liste des sanctions. Une histoire lunatique… Aberrant ! Pendant que Bamako chante le refrain de la souveraineté, avec son couplet favori : « Le Mali rempart du terrorisme ! » La digue ne doit pas être rompue… Et après ? Rien.

7 - S’attaquer aux racines !

Le 22 mars 2012, les putschistes se plaignaient de ne pas avoir les armes pour combattre les rebelles! Sept années après : rien. Aucune autorité étatique n’est installée à Kidal ! Dans ces circonstances, que voulez-vous que le drapeau malien symbolise ? Le drapeau est un miroir. On brûle un drapeau comme on brise un miroir… Le geste n’est pas banal. Les sanctions le sont.

8 - Des questions flottent dans le vent… comme un drapeau abandonné !

Fêtons les « moonwalkers » de juillet 1969, mais n’oublions pas Kidal, le Mali… et le mal commun à tant d’États : la confusion gouvernement/État. C’est un peu tragédien, avouons-le, qu’un drapeau flotte sur la lune et qu’à Kidal, on n’y arrive pas… Que faire à présent ? La question est subsidiaire ! Il faut d’abord accepter la réalité dans sa complexité.

Cheick Modibo Diarra, l’astrophysicien malien qui a travaillé près de 20 ans à la NASA, n’a pu être premier ministre dans son pays que pendant 7 mois et 24 jours… C’est dire !

9 - Dynamisme, Fermeté, Flexibilité, Adaptabilité 

Ce sont les mots de la résolution 2480 du Conseil de sécurité de juin 2019. Ce qu’il faut faire est connu ; mais cela exige une meilleure coordination de tous les acteurs, des financement et déploiement diligents. Du coup, les problèmes d’efficacité semblent être, au fond, une question de volonté ! Une absence de volonté résolue pour : 1/ Élaborer et respecter un chronogramme clair; 2/ Inclure les communautés pour réduire les violences; 3/ Rendre présent l’État malien au centre du Mali, par la réouverture des écoles, des hôpitaux, l’adduction d’eau… en plus du drapeau !

10 - Pour le Mali, une nouvelle lune !

Négligente et expéditive, la communauté internationale accepte la confusion volontaire État/gouvernement. Elle est pourtant inutile ! Quand on agit résolument pour l’État, personne ne peut opposer des prétextes légalistes. La communauté internationale, le gouvernement malien, les groupes armés : ce triangle aux intérêts hétéroclites doit se souvenir de ce qui compte : l’État (des femmes, des hommes, des enfants… des institutions qui les transcendent, pour les servir). Vouloir -vouloir vraiment ! - en agissant diligemment, ce serait plus qu’un petit pas, un bond de géant.

Désiré N’Dri, analyste pour Audace Institut Afrique.

Youpi, brûlons de l’ivoire ! Chouette, condamnons les éléphants !

Fin mai 2018, plus de 600 kilos d’ivoire ont été consciencieusement détruits à Antibes (Sud de la France). Il ne s’agissait pas d’une erreur ni d’une malveillance, mais bien d’un acte délibéré mené par le Fonds International pour la Protection des Animaux (IFAW) et par l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), tout heureux de d’accomplir ici « un geste fort en faveur de la protection des éléphants », comme le relate un Monde tout frétillant.

Folklore contreproductif

Ce n’est pas la première fois que cette Organisation Non Gouvernementale Mais Presque ou que cet Office détruisent allègrement de l’ivoire en grande quantité, au prétexte de sauver des animaux : en février 2014, trois tonnes en avaient été réduites en poudre ; le 24 avril, c’était une demi-tonne qui était détruite.

Cet ivoire provient, pour une petite partie, de saisies opérées par les douanes, mais, essentiellement, il s’agit d’ivoire librement donné par des particuliers français dont le sens économique n’est, comme il se doit en France pour des raisons de morale bien comme il faut, pas très affûté. D’ailleurs, pour faire bonne mesure, tout cela se drapera aussi d’une épaisse couche de moraline bien collante que Julie Matondo, porte-parole de l’IFAW, illustre par ses propos :

Il s’agit d’empêcher que cet ivoire ne se retrouve sur le marché, car son commerce encourage le braconnage des éléphants. Nous n’avons pas besoin d’ivoire. Les éléphants, si !

Eh oui, en détruisant ainsi de l’ivoire, on va décourager le braconnage des éléphants, c’est évident ! C’est trop mignon !

L’enfer pavé de bonnes intentions

Bon, en réalité, tout ceci montre une très mauvaise compréhension des ressorts humains et de l’économie, apporte une non-solution à un problème pourtant bien identifié et montre par là une ignorance assez stupéfiante (calculée ?) de vraies solutions opérationnelles.

Le problème est relativement simple à comprendre : des chasseurs braconnent des éléphants, c’est-à-dire les chassent sans autorisation pour en prélever les défenses qu’ils revendront à prix d’or sur le marché noir.

D’une part, on ne peut que noter l’augmentation du braconnage à mesure qu’ont été mises en place, à partir de 1989, des restrictions importantes du commerce de l’ivoire dans le monde. En substance, à mesure que les contrôles mondiaux sur l’ivoire se sont fait plus stricts et les sanctions encourues plus élevées, l’ivoire est devenu plus rare et donc plus cher ce qui a encouragé l’établissement d’un marché noir lucratif et, par voie de conséquence, un braconnage plus intense.

D’autre part et pour en revenir au cas français, il suffit de quelques minutes de réflexion pour comprendre que la destruction de tonnes d’ivoire aboutit à obtenir exactement l’effet inverse de celui qu’on recherche (la diminution du braconnage).

En effet, incinérer des tonnes de produit recherché rend ce qui reste sur le marché (noir et officiel) d’autant plus rare. Notons au passage qu’il ne s’agit en rien d’une affirmation morale, mais d’un simple fait économique indubitable qui provoque donc le renchérissement de l’ivoire et la montée mécanique de ses cours. Tout aussi mécaniquement, cela rend de facto plus précieux (et donc désirable) l’ivoire qui n’est pas encore sur le marché (i.e. celui qui trottine donc dans la bouche des éléphants), ce qui, toujours mécaniquement, rend plus rentable la prise de risque des braconniers.

Autrement dit, le fait de brûler, régulièrement, des stocks d’ivoire provoque directement la hausse des cours de l’ivoire restant et incite donc de façon logique les braconniers à passer à l’action, puisque le rapport gain/risque augmente mécaniquement à chaque destruction. L’association obtient donc exactement l’effet inverse de celui officiellement recherché.

Nous sommes en face d’un problème évident de ressources rares (l’ivoire des éléphants) avec une demande qui, sans être très forte, est néanmoins constante. De façon manifeste, les mesures prises jusqu’à présent, depuis l’interdiction jusqu’à la destruction des stocks en passant par la lutte plus ou moins violente contre le braconnage, n’ont pas donné de résultats probants.

Quoi faire ?

En revanche, d’autres méthodes existent et, appliquées, montreraient leur efficacité.

Tout d’abord, on peut dans un premier temps s’attacher à faire s’effondrer les cours. Suite aux accords de 1989, la prohibition n’a fait que les augmenter. Une première idée simple consiste à mettre sur le marché, aussi souvent que possible, des stocks d’ivoire (saisis ou donnés) à des prix aussi bas que possible. En répétant l’opération le plus souvent possible, on rend l’opération des braconniers économiquement idiote (puisque ce sont eux qui font les efforts pour collecter l’ivoire, se font serrer puis jeter en prison et qu’en plus, les cours s’effondrent suite à leurs efforts).

Au passage, l’argent récolté par les ventes massives peut alimenter les campagnes de dons et la solution suivante, qui consiste à privatiser les éléphants. Et alors que montent déjà les hurlements outrés des associatifs à la morale en bandoulière, rappelons que cette solution a déjà été mise en place dans différents pays (Namibie, Afrique du Sud) et que, comme dans le cas d’autres animaux (bisons puis rhinocéros), c’est déjà un succès : l’histoire du bison en Amérique du Nord est tout à fait éclairante à ce sujet.

Et concrètement, la réintroduction d’un marché sain et protégé, ça marche : le braconnage est en baisse en Afrique.

Du reste, on n’est pas à l’abri de voir deux nouvelles solutions se développer : l’une, technologique, qui permettra l’introduction sur le marché de cornes et de défenses entièrement fabriquées industriellement et indistinguable des objets naturels, ce qui fera largement chuter les prix, et l’autre, issue de la sélection naturelle (les animaux ayant des défenses ou de grandes cornes se reproduisant moins ou pas du tout, ils tendent à disparaître au profit des autres).

Une pilule  dure à avaler

Mais rassurez-vous : en attendant que ces deux dernières solutions prennent le pas, les solutions de marché proposées seront bien vite écartées car elles ont deux effets néfastes.

Le premier, c’est qu’une fois en place, les Organisations Non Gouvernementales Mais Presque se retrouveraient propulsées dans l’inutilité. C’est parfaitement insupportable (surtout pour ceux qui en tirent salaire et profits personnels), notamment parce qu’elles ne pourraient plus lever des fonds ou faire les intéressants devant les caméras.

Le second, c’est que ce faisant, on laisserait le capitalisme et le marché libre régler un problème que la gestion collectiviste et étatique ont été infoutus de résoudre depuis des décennies (et ont même créé en premier lieu). Outre un nouvel échec de ces idéologies, cela ferait un nouvel exemple de cette vérité qui dérange et que beaucoup refusent de voir ou de supporter. Ils s’y opposent donc de toute leur force, en mettant en avant des raisonnements émotionnels essentiellement basés sur une morale étrange où la commercialisation contrôlée, qui résout le problème, sera toujours considérée comme moins désirable que l’usage de la force et des sanctions, même si l’efficacité de ces dernières mesure leur donne tort.

Ces deux points suffisent donc à écarter toute application de ces solutions qui ont pourtant déjà montré qu’elles marchaient fort bien et résolvaient efficacement le problème. Nous pourrons mieux nous concentrer sur l’usage de la force, sur les interdictions les plus sévères possibles, et voir disparaître rhinos et éléphants.

Formidable, non ?

Par h16, article publié en collaboration avec Contrepoints.

Noir, né en Afrique, mais suis-je Africain ?

Je ne peux ni ne veux parler doctement de ce dont j’ai seulement entendu parler. Mais en écoutant les commentaires sur le film Black Panther[1], j’ai été saisi par la rationalité limitée – et c’est peu dire –  de deux types d’individus. Les premiers s’extasient de tout ce qui est assorti de l’adjectif « noir ». Que ce soit du chocolat, un chien, un ciel ou un enfer. Que leur importe ! Tout ce qui est noir est bon. Les seconds tiennent tous les noirs, sans distinction, pour un peuple… que dis-je, une peuplade vivant sur la planète de l’écrivain Pierre Boulle. Deux imaginaires. Comment s’y retrouver ? Que signifie être Africain aujourd’hui ?

Bref, je ne débats pas de ce que je ne sais pas, j’irai voir le film. D’ailleurs, je pense que seuls les médecins et quelques scientifiques ont un intérêt certain à évoquer le mélanoderme ou le caucasien… J’irai voir ce film, pas parce que certains en parlent comme d’un « Blackbuster » génial, pas non plus pour rabattre le caquet à des blancs ! Un bon film doit être un bon film. Aujourd’hui tous les films sont en couleurs. En attendant, une question resurgit de mon subconscient : Suis-je Africain ?

Je suis noir et né en Afrique

Il est simple de dire oui ou non, mais pas simple de trouver le pourquoi ! Nkrumah, lui, savait : « je suis Africain… parce que l’Afrique est née en moi », disait-il. Moi, je ne sais pas. On n’est jamais sûr de savoir qui on est. Cela ne dépend pas – que – de là où on nait et de là où on est… Je ne suis pas né dans un hameau perdu du désert du Niger ou dans une hutte de la forêt gabonaise : Est-ce ma faute ?

Je n’ai pas été un décapiteur de Boko Haram, ni un enfant soldat; est-ce que l’UNICEF m’a compté comme un enfant africain ? Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai échappé au cholera, à la poliomyélite ; je n’ai pas souffert de malnutrition. Ne suis-je pas Africain pour l’OMS ?

Je n’aime pas le FESPACO[2], comédie sur écran géant d’oscars au rabais pour un groupuscule de cinéphiles plus obscurs qu’obscurantistes, applaudit par une poignée d’occidentaux qui aiment voir les rues poussiéreuses, les cases miséreuses, les fillettes malheureuses… Je n’aime pas le FESPACO !

Suis-je acculturé? Ne suis-je pas Africain? 

Je n’ai jamais vu un match d’aucun championnat africain ; ces matchs, m’a-t-on dit, qui se jouent sans grands enjeux sur des terrains de latérites avec pour seuls supporters les beaux oiseaux d’Afrique. Je préfère regarder la Champions League, ne suis-je pas Africain ?   

Je ne suis pas le fils d’un dictateur débonnaire, je ne milite dans aucun parti politique d’ici ou d’ailleurs. Je ne suis d’aucune tendance des panafricanismes, dont certains me semblent des chevaux de Troie pour faire entrer un certain passé dans l’avenir incertain, qui serait alors certainement un avenir de réminiscence… Je ne suis ni afro pessimiste, ni afro optimiste, rien d’afro du tout ! Ne suis pas Africain ?

Je ne vais pas aux pléthoriques forums économiques, rendez-vous politiques où des chiffres compilés à Washington sont expliqués par des experts de l’Afrique, arrivés spécialement pour l’événement, logés à coup de millions, avec la bénédiction d’un parterre d’hommes d’affaires par ailleurs ministres ou « ingouvernants » de pays malades de marasmes économiques. Ces agoras au refrain identique… je n’y vais pas. Ne suis pas un bon Africain ?

Je ne participe pas non plus aux débats sempiternels sur la misère du pauvre contient noir, ni aux rencontres mi hypocrites mi naïves sur les brillantes perspectives prochaines (quand ?!) de l’Afrique.

Ai-je cessé d'être Africain?

J’ai essayé de travailler entre les lois scélérates et les règles prêt-à-porter. J’ai dû batailler au quotidien contre les vautours du fisc et les inquisiteurs des impôts. Aujourd’hui, loin de mon pays, j’arrive à vivre dignement sans invocations politiques, sans incantations fiscales. De guerre lasse, je suis parti de chez moi, malgré moi. Ai-je cessé d’être Africain ? Je ne cherchais qu’un bout de terre pour vivre et mener à bien mon business !

Ne suis-je pas digne d’être Africain ? Je n’entends plus les nouvelles identiques sur l’Afrique : ni les chiffres ahurissants sur les potentialités, ni les fleuves de larmes de pitié… Je ne pense pas être devenu indifférent. Je n’entends plus rien. Simplement. Je parcours les nouvelles noires le regard hagard.

L’autre soir, à la terrasse d’un café, la télévision présentait les nouvelles de l’Afrique que je regardais sans voir:

-       Au Nigéria, Boko Haram a ajouté des jeunes filles à sa collection. Une centaine de collégiennes raptées au nez et à la barbe de tous.

-       Au Mali, encore des morts. Il y a peu, plus de 20 pauvres innocents, qui avaient eu le malheur d’être dans un véhicule passant sur une mine, ont trouvé… la mort !

-       Au Congo, encore des morts ! Dans des manifestations de contestation de je-ne-sais-quoi, toujours des histoires de président ou d’élection.

-       En Afrique du sud, Zuma est parti, Ramaphosa est arrivé… Vive l’ANC ! Et à propos de chez Mandela, j’ai lu récemment qu’il y avait un procès pour anthropophagie, en plein 21è siècle !

-       La CEDEAO entend mettre en circulation sa monnaie unique en 2020 ! Mais voyons ! La ZMAO & CO, on en a eu échos depuis… Et l’ECO, c’était prévu pour 2003, puis 2005, après 2009 et 2015… Vraiment, politiquement, rien de nouveau sous le soleil noir.

La question est lancinante. Et je me réinterroge: Suis-je Africain ? Pourquoi ?... Ne suis-je pas Africain ? Pourquoi pas ? Vivement le WAKANDA ! Le pays africain de Black Panther.

Andy KURTIS, artiste, analyste pour Audace Institut Afrique.



[1] Film sorti en 2018, véhiculant une représentation positive et forte de la culture africaine, en alliant traditions et technologies ultra innovantes dans un pays africain imaginaire : le WAKANDA.

[2] Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou.

Côte d’Ivoire : politique de déconciliation

deconciliation 500 275Il n’est un secret pour personne que la politique de réconciliation, suite aux à la crise postélectorale de 2011, a échoué en Côte d’Ivoire. Oui, on peut parler d’échec malgré les sommes importantes consacrées au dialogue. Au delà même de cet échec, le constat est que dans toutes les couches de la population, du sommet à la base, c’est la déconciliation qui règne. Une violence non dite crée un mal être général que les Ivoiriens ont du mal à exprimer mais qui peu à peu délite la société au niveaux des partis politiques, de la société civile mais également et surtout, au niveau de l’exécutif.

Les partis politiques

Conflits internes

Les partis politiques, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, s’illustrent par des conflits internes importants. Ces divisions affaiblissent les petits partis et conduisent les plus gros à se concentrer plus sur des histoires de leadership que sur les politiques visant la gestion du pays. PDCI, FPI, MFA sont fracturés. Le RHDP, rassemblement au pouvoir, n’échappe pas à la discorde. Les pressions sur l’ancien président de l’Assemblée Nationale, en témoignent et les discussions sur le positionnement d’un leader pour les élections de 2020 ne font que creuser les fractures.

Conflits externes

Les conflits externes n’épargnent pas non plus le milieu politique. Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), coalition de plusieurs partis politiques dont le RDR, semble diviser plus qu’il ne réconcilie et rassemble. Le PDCI a volé en éclat dans cette union. Historiquement fort, il est brisé en clans recherchant la voie la plus propice à un poste ministériel. La volonté de pouvoir à tout prix vide tout contre-pouvoir.

La Société civile

Instrumentalisation

Force est de constater que du côté de la Société civile, les choses ne vont pas mieux. On peut même dire qu’elle n’existe que de nom et s’apparente plus à des groupuscules instrumentalisés qui semblent d’ailleurs se complaire dans l’instrumentalisation. Au service des politiciens, largement dépendante de leurs fonds, la société civile prend des allures de milices politiques. La cupidité n’échappant pas à cette sphère de la société, elle est prête à tout pour une enveloppe. Ses projets sont bien souvent guidés que par des opportunités financières et rares sont les organisations qui ont une ligne allant dans le sens du bien commun avec des objectifs précis et une vision. Au cœur même de l’instrumentalisation, le cas de la FESCI, fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, est édifiant. Ce syndicat étudiant hégémonique a d’abord lutté pour la démocratie dans les années 1990 puis s’est divisé entre partisans du FPI et du RDR, avant de paraître instrumentalisé aux yeux de l’opinion.

Conflits intercommunautaires

Au niveau des communautés, on voit que pour un rien, des conflits intercommunautaires éclatent. C’est le symptôme de cette déconciliation à l’échelle nationale. Les communautés ont de plus en plus de mal à vivre ensemble et pour un évènement mineur, on brûle, on tue, ce qui est en fait l’expression de ce mal bien plus profond et silencieux. Des non-dits nourrissant  une apparence de paix ne font pas une réconciliation. Les populations sont à vifs.

Les grins

Les grins, qui en dioula (langue des Nordistes) signifie espace de discussion, se multiplient et instrumentalisent les populations essentiellement depuis la fin de la dernière crise postélectorale de 2011. Il s’agit bel et bien d’un contrôle social au sein même des quartiers, sur tout le territoire national, en s’appuyant sur des lieux de sociabilité ordinaire. C’est l’expression de la politisation extrême des citoyens ordinaires qui raisonnent de manière binaire « nous et eux », essentiellement au sens pro-Ouattara versus pro-Gbago. Ces multiples groupes mobilisent et recrutent pour un camps politique ou un autre et perdent toute capacité d’analyse puisque leur argument vont forcément dans le sens de la défense du leur camp, indépendamment de toute autre analyse. Les échanges y sont donc de faible niveau. Ces grins sont des espaces plutôt fermés au sens où il faut une autorisation du groupe existant, voire un parrainage, pour pouvoir entrer dans la discussion et la dynamique du groupe. Ces grins sont un moyen terriblement efficace au service des politiciens pour renforcer leur électorat et recueillir des informations sur les tendances des quartiers.

L’exécutif

Le rattrapage ethnique

Le signal donné par l’exécutif est pure déconciliation, au point qu’on se demande si les dirigeants en ont vraiment pleine conscience. En premier lieu, quand de hauts responsables osent parler de rattrapage ethnique, c’est totalement inconvenant dans un Etat dit de droit et ça disqualifie totalement le Président de la République. Ce rattrapage consiste en la nomination massive de gens du Nord au sein de l’administration et aux postes clés.

Le tabouret

Au delà du rattrapage, voilà un nouveau biais : le concept de tabouret. Adama Bigtogo avait déclaré, en visant l’ancien Président de l’Assemblée Nationale, que s’il n’adhérait pas au parti RHDP, il devrait rendre son tabouret. Le Président du Sénat n’a pas rendu son tabouret et a adhéré au RHDP, de même que le Président du Conseil économique et social. Soit tu adhères, soit tu rends ton tabouret. Il s’ensuit une division sociale, politique, professionnelle.

La gouvernance par ordre

Rajoutons que, certains intellectuels se plaignent de l’excès de gouvernance par ordonnances. Pourtant, l’ordonnance a un cadre légal qui restreint les conditions d’utilisation de cette voie de gouvernance. Dans le contexte, nous sommes dans un système de gouvernance par ordre. Il s’agit d’un passage en force. Par exemple, lors du dernier référendum constitutionnel, les chiffres de la participation ne correspondaient à rien, les taux annoncés étaient totalement irréalistes. De même, la « procédure » passionnée et gauche utilisée pour « destituer » l’ancien Président de l’Assemblée nationale de son tabouret en l’obligeant à démissionner exprime cette gouvernance par ordre. Enfin, on peut ici évoquer les dernières élections locales qui, du choix du candidat jusqu’au résultat des urnes exprime un passage en force du parti au pouvoir. Certaines villes comme Bingerville, Grand Bassam, ou encore la commune du Plateau à Abidjan, ont affiché sans complexe la technique du passage en force. Le pays est gouverné sur ordre du Président de la République.

Jadis les alliances à plaisanterie permettaient de lâcher prise dans des conflits et des affrontements importants, de retisser les liens de la cohésion sociale. Ne devrait-on pas s’engager dans une nouvelle alliance nationale dont le fondement reposerait sur les crises successives ayant fracturé le pays ? Il semble que les alliances à plaisanterie, trait culturel fort de notre société, seraient le dernier recours pour gérer ces multiples conflits en cascade qui minent notre société ivoirienne agonisante. Les alliances à plaisanterie au secours de la déconciliation ?

Pr Christophe Yahot, Professeur titulaire de Philosophie à l’Université Alassane Ouattara de Bouaké.

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