Comment réinventer le système foncier rural en Côte d’Ivoire ?

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"Comment réinventer le système foncier en Côte d'Ivoire?",étude multiculturelle et multidisciplinaire menée  durant deux années par Audace Institut Afrique, think tank ivoirien indépendant et apolitique, a été réalisée avec le soutien de l’Atlas Economic Research Foundation et la Friedrich Naumann Stiftung.

Réinventer la sécurité foncière

Selon les chiffres les plus optimistes, 4% des terres sont actuellement immatriculées en Côte d’Ivoire. À ce rythme, il faudra plus d’un siècle pour couvrir le territoire. Notons que le certificat foncier est à la charge du demandeur et il coûte en moyenne un an du revenu de l’ivoirien moyen. Or, l’Etat n’a pas les moyens de délivrer des titres gratuits. Ce contexte oblige à repenser la sécurité des terres. Il faut en effet sécuriser les 96% de terres rurales restantes dans l’attente de leur immatriculation.

Le développement de la contractualisation claire dans les échanges fonciers est une voie propice à la sécurisation. Pour réduire les risques et donc favoriser l’investissement, réduire les litiges, favoriser la cohésion sociale, il convient de mettre en place un cadre qui donne le maximum de clarté et donc de crédibilité aux contrats. L’espace géographique, le nom des parties, le référent de famille, la durée du contrat, le type de contrat, les cultures et activités possibles sur la terre, le juste prix, doivent être clairement définis par les parties avec des traductions si nécessaire pour que l’engagement soit parfaitement clair. 

Un contrat clair permet à un investisseur de faire des prévisions adaptées au type de droit qu’il détient. Ces contrats ont l’avantage de s’adapter au contexte dans lesquels ils sont passés dans le respect des réalités locales différentes selon les régions.

Pour entourer la contractualisation d’une crédibilité suffisante, des réformes de fond sont nécessaires.

Réinventer le mode de gouvernance

L’Etat seul n’a pas la capacité d’immatriculer les terres rurales et les communautés seules ne le peuvent pas non plus. Une complémentarité entre les deux est nécessaire. Les communautés ont une bonne connaissance de leurs terres ce qui représente une richesse incontestable qu’il faut absolument potentialiser et exploiter. Pour le faire, une relocalisation de la gouvernance de la terre est nécessaire. Dans cette dynamique, les comités villageois de gestion foncière rurale (CVGFR) ont un rôle majeur à jouer. C’est en effet sur eux que repose la clarté des contrats. Le rôle des CVGFR doit être étendu à :

- La création de registres fonciers communautaires, cartes des villages indiquant les espaces géographiques et les liens des habitants à la terre (Détenteur de droits coutumiers, usagers, etc.)

- L’assistance des parties lors de la passation des contrats

- L’archivage des informations foncières du village

Pour être efficaces, les comités doivent être composés des acteurs clés du foncier dans les villages et leur organisation doit être mieux structurée. Cela ne peut se faire que sous l’impulsion de l’Etat qui doit assurer la mise en place, le contrôle et la formation des comités. Le jeu en vaut la chandelle. Rélocaliser la gouvernance permettra d’améliorer la sécurité foncière, terreau favorable à l’investissement. En dépendent l’agriculture, la sécurité alimentaire, la réduction des conflits, la cohésion sociale.

La relocalisation de la gouvernance de la terre est un moyen de réconcilier la tradition et le modernisme dans un contexte de globalisation. C’est une politique moderne qui permet à la Côte d’Ivoire d’afficher audacieusement sa spécificité tout en devenant un espace plus attractif. Car, on ne peut pas émerger matériellement en se perdant intellectuellement et culturellement.

Ce nouveau cadre de gouvernance, cercle vertueux entre l’Etat et les communautés, est un terreau très favorable à la formalisation des terres ce qui aidera le gouvernement dans la mise en œuvre de la loi de 1998 qui régit le foncier rural.

Réinventer la richesse de la Terre !

Terre Mère nourricière mais aussi bien marchand, c’est possible ! Grâce à une contractualisation claire, avant même d’être immatriculées, les terres ont de la valeur dans leur espace coutumier et les revenus de la terre peuvent absolument être individualisés. Chaque usager profite des fruits offerts par son travail. Le risque d’investir en milieu rural diminue drastiquement, car quand un accord est transparent et reconnu socialement, les risques de contestations diminuent et la cohésion sociale est renforcée. Le terrain devient favorable à l’emprunt, à la mise en valeur et à la création de richesse.